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HISTORIQUE , CONCEPT ET TRAVAIL DU CLOWN HOSPITALIER

Nous sommes nombreux à garder dans un coin de nôtre mémoire l’arrivée du petit cirque où nous allions voir le chapiteau se monter. Ensuite venait l’attente de la représentation avec ceux sans lesquels un spectacle de cirque n’est pas complet : les clowns !

C’est fait, j’ai prononcé le mot magique désignant ces personnages tellement différents : le “Blanc“ au costume lumineux et “l’Auguste“ à l’attitude à la fois bête et maligne. Mais ces deux complices, qui sont-ils ? D’où viennent-ils ?
Le clown contemporain, dans la forme où nous le connaissons, est le résultat de l’exploitation du comique de situation. Popularisé et étendu par le besoin naturel de l’être humain de rire de ses malheurs et des situations cocasses dans lesquelles il s’est retrouvé. Il n’a rien de commun avec les mîmes grecs, les bouffons du Moyen- Age ou les amuseurs du passé. Ils ont toutefois en commun le besoin inné de faire rire.

Le cirque débute à cheval grâce à un ex-officier de cavalerie, Philippe Astley, qui présente tout un spectacle équestre et, par la suite, une pantomime sur un tailleur très mauvais cavalier (premier comique de piste).
Astley vient à Paris en 1774, où il installe son spectacle rue Vieille du Temple. On le donne pour le créateur de la piste en rond de 13m de diamètre qui permet au dresseur de se tenir au centre et toucher de sa chambrière les chevaux.

Les spectacles gagnent en popularité. En 1872 un dresseur anglais, clown en puissance, Billy Saunders, effectuant quelques farces dans un numéro équestre lance pour la première fois le fameux “volez-vô jouer avec môa ?“

On appelait ces comiques des grotesques. Puis par la suite, Clown (expression argotique anglaise désignant autour de Londres un “plouc“, un rustre).
Pendant l’épopée napoléonienne, Astley retourne en Angleterre ; lui succède Franconi qui introduit un peu plus d’attractions entre les présentations équestres.

Nos grotesques de l’époque sont jongleurs, dresseurs, acrobates, et présentent avec des farces des numéros originaux et parfois dangereux.
Les comiques de manège équestre étaient souvent appelés “Paillasses“ (en Espagne où le clown était très populaire, il s’appelle toujours “Payaso“).

Le clown (parfois écrit phonétiquemment “Claune“ sur de vieux programmes) travaille seul et grimé différemment en fonction de l’époque. Acrobate, équilibriste, il présente parfois des cochons ou des oies savantes !

En France le célèbre Jean-Baptiste Auriol a souvent présenté son numéro à l’Hôtel-Dieu de Paris vers 1843. Un autre document prouve le passage de Dejean (sauteur et pitre) en 1850 dans des hospices.


En 1852 au cirque Napoléon, Boswell commence la parodie clownesque. Il montait sur une échelle en équilibre au milieu de la piste en retirant les barreaux et terminait en équilibre de tête sur un des montants. Ce numéro l’a tué en 1859 d’une congestion cérébrale.

L’amuseur le plus populaire de Paris à la fin du siècle dernier était Géronimo Médrano surnommé “Boumboum“.
Avec son air jovial et après une cabriole en piste, il se tournait vers l’orchestre en lançant un tonitruant “Boumboum“.
Nombreux sont les clowns qui par la suite, prirent un leitmotiv, ou une expression personnelle, comme le “sans blâgue“ ou le “pourquoi ?“ de Grock , le “quesce que ça que c’est“ de mon ami Francini , le “miousic“ de Chadwick , le “vôlez vô jouer avec môa“ de Saunders etc......

Les clowns acrobates, dresseurs, jongleurs... passent lentement au clown parleur (2)
(cela après une interdiction préfectorale de dialoguer en piste et de jouer sur des
instruments de musique classique) - Interdiction levéè en 1865 -

Les spectacles de pantomime apportent le masque lunaire du pierrot. Ce masque qui fût modifié et affiné au cours des années, avant d’arriver au clown blanc que nous connaissons : face blanche aux oreilles rouges, lèvres rouges et parfois un point ou un triangle pour souligner le nez par coquetterie. Ce clown blanc ajoute une mouche ou un trait, mais sa personnalité est toujours dans le dessin de son gros sourcil noir qui se doit d’être différent de celui des autres clowns ! C’est, en jargon de métier, sa signature.
Le clown de 1900-1910 est de plus en plus beau, les costumes se couvrent de paillettes , le cône : chapeau pointu de feutre blanc s’orne parfois de strass ou de plumes, ses souliers sont recouverts de soie.
Le costume pailleté (sac ou manteau) est fait de motifs différents selon la demande du clown, ou laissé à l’initiative du costumier.

L’apparition de “l’auguste” est un événement qui va bouleverser et modifier totalement
l’avenir du clown . Sa naissance va assoir définitivement, dans un rôle précis, la ligne de conduite du comique de cirque.
La création du personnage a plusieurs versions selon les historiens, mais nous pouvons aisément faire une synthèse de ses origines :
Qu’en vérité il s’agisse d’un palefrenier, de Frédiani père, ou probablement de Tom
Belling, l’histoire se passe toujours au cirque Renz en Allemagne vers 1870-1872.
Selon les Fratellini : le personnage chargé de faire la barrière (rôle de garçon de piste tenu par les artistes avant et après leur numéro), Tom Belling, artiste écuyer dans un état d’ébriété, le nez légérement rouge se prend les pieds dans le tapis, se trompe dans le matérel - Un régisseur furieux le bouscule, le frappe, et c’est l’air ahuri qu’il remarque que le public s’esclaffe de la situation.
Le directeur du cirque, comprenant l’intérêt de cet intermède, lui fait refaire cela chaque jour. Tom Belling ayant pour pseudonyme “Auguste”, l’expression “faire l’auguste” se répand comme une trainée de poudre. Si plusieurs personnes ont revendiqué la paternité de la création, il est certain que selon les cas, le farceur aux vêtements trop grands , l’ivrogne, l’artiste s’étant trompé de frac, bref, le résultat est surprenant.
L’auguste est né, adopté dans toute l’Europe du plus petit chapiteau aux plus grands
établissements (avant de s’exporter en Amérique et dans les pays de l’est, où le clown blanc sera ignoré)

Le travail à deux commence, mais les débuts sont difficiles et peu glorieux pour l’auguste qui doit s’affirmer, se modeler.
Il est, hors de la piste et pendant de longues années, le serviteur du clown ; porte ses
valises, cire ses chaussures ; Les contrats sont au nom du clown qui paye (s’il le veut bien) son auguste.
Le beau clown voit le public aimer et applaudir plus que lui, ce rustre à la trogne ahurie.
L’évolution se pousuit jusqu’entre les deux guerres où l’auguste, de serviteur, passe maitre du clown qui devient même son faire valoir !

En France nôtre premier couple célèbre est Foottit et Chocolat. Géo Foottit est anglais (les clowns de cette époque ont bien souvent l’accent anglais ou italien, naturel ou imité).
Chocolat, né à la Havane d’une mère noire, présente avec Foottit (dont il est encore très serviteur), un numéro où giffles et coups de pieds ne lui sont pas ménagés, d’où l’expression qui nous est restée : “être chocolat”.

L’équipe clownesque vedette Foottit et Chocolat, participe dès 1890 à des préstations
et spectacles en milieu hospitalier avec ensuite les Grock-Antonet-Béby-Walter-Dario-
Bario-Rhum, etc...

Les célèbres Fratéllini organisent des tournées dans les hôpitaux. Artistes, clowns, chanteurs musiciens et comédiens présentent leurs numéros dans la gande salle ou directement dans des chambres communes de 10 à 30 patients !

Dés 1918 , des artistes de variétés, du cirque ou du music-hall se regroupent en
associations pour offrir spectacles et animations : “la santé qui guérit”, “sourire à l’hôpital” ,“la santé dans la joie”, etc ...

La grande époque des équipes de clowns et augustes dans la tradition aura, à mon avis, vécue son apogée autour d’un siècle (1880 à 1980 environ).

La femme clown (clownesse) est malheureusement trop rare chez les professionnels;
La plus populaire au début du siècle est “miss Loulou”. Nous trouvons quelques bons
amateurs et une poignée de femmes “auguste”.
Le rôle de faire valoir (non grimé, comme Mr Loyal) a parfois été admirablement tenu
par des femmes comme la merveilleuse Henny du trio Bario !

Le clown n’est pas une vedette : c’est incognito qu’il arrive, puis présente son numéro
et repart dans l’anonymat. Comme l’exception confirme la règle, citons : Grock ayant sans clown, mais toujours avec un bon faire valoir, accumulé le succés au point que, de part son triomphe, l’on prononce le mot vedette (Adrien Wettach 1880-1959).
Cette popularité fût atteinte aussi par les Fratellini, avec un numéro plus rapide et plus
explosif. Paul, Albert, François dont les silhouettes recouvraient les murs de Paris, restent le symbole de la famille unie pour faire rire.
Plus près de nous, les “star-clowns”, avec le russe Popov, l’américain Lou Jacob,
l’espagnol Charlie Rivel, Charlie Cairolie en Angleterre, et quelques autres !
Pour nous en France le dernier grand auguste reste Achille Zavatta !

Notre auguste est depuis longtemps sorti de la piste pour paraitre à la télé, se trouver
médiatisé par la publicité, les écrivains, les sculpteurs, les peintres...
Si sa silhouette n’est pas toujours à sa place dans certains centre commerciaux ou dans de navrantes utilisations de son personnage, il reste sensible et émotif toujours prêt à ouvrir son coeur.
C’est sans doute pouquoi ce personnage aux multiples facettes (miroir de l’homme) a
été récupéré depuis les années 1970-1980 pour le travail de recherche de son clown
intérieur : jeux de rôle, clown en facteur social, clown analyste, clown relationnel, clown
d’hôpital, sans compter l’utilisation du nez rouge dans les ateliers de développement
personnel !

Développer son clown inter-rieur ou présenter une entrée (un numéro) sur scène, voilà
deux démarches complètement différentes que semblent ignorer certains...

Officiellement, la première “unité d’intervention clownesque” pour l’hôpital (visite de
clowns de chambres en chambres après une formation sur l’approche, la psychologie,
l’hygiène, la technique etc...) date de 1986 avec Michael Christensen du “big apple
circus” de New York.
Kinou débute en 1986 sur l’hôpital d’Annemasse et commence (bénévolement) des
formations de clowns hospitaliers.
1991 Caroline Simonds , ayant travaillé sur New York avec Christensen, fonde à Paris
l’association “Rire Médecin”.
L’association “Rire” de Montpellier débute en 1993.
En Suisse la fondation “Théodora” est lancée aussi en 1993.
Puis 1995 création des “Docteurs Clowns” de Lyon , etc...etc... etc...

Sachons que le clown visiteur en milieu hospitalier sous la forme actuelle est encore plus ancienne ; La preuve, cet extrait du livre “Guérissez par le rire” du Dr R.Moody au
éditions R.Laffont ( 1978 aux U.S.A ) :
“je livrerai encore une réflexion sur le rôle d’un clown dans l’environnement hospitalier ; pour avoir de mes yeux vu opérer un clown expérimenté dans un service de pédiatrie, j’ai pu me faire une opinion très claire sur les dangers de laisser des amateurs se livrer aux mêmes activités ; Un clown professionnel connait la distance éxacte à laquelle il doit se tenir de son auditoire enfantin. Il sait prendre automatiquement le recul nécessaire quand il voit un enfant manifester de la peur.
La simplicité apparente des tours éxécutés par un clown versé dans son art, résulte de longues années de pratique. Aussi, malgré toutes ses bonnes intentions, un débutant risque de faire peur aux enfants.
En résumé, j’ai la conviction profonde que des clowns de métier forment pour la médecine un corps d’auxiliaires précieux et quasiment inutilisés.
L’ancienneté de la confrérie des clowns devrait nous pousser à honorer leurs talents laborieusement acquis en nous assurant que seuls, des praticiens parfaitement aguérris dans leur art, se produisent devant les malades.“

(NB : encore une preuve de l’importance d’une sérieuse formation)

Avant nous , le tao chinois et son exercice du sourire intérieur (déjà la visualisation) , Epidaure en Grèce et son théâtre thérapeutique, les séances de rire des Dogons africains pour chasser le mal, le duel humoristique des esquimaux, les pîtres amérindiens etc ....... utilisaient les bienfaits du rire .
Sur tous les continents, l’amélioration de la santé par l’énergie positive du rire est connue depuis des siècles !

Le participant à une séance de club de rire pour son développement personnel, ignore qu’il existait déjà au Moyen- Âge des confréries de rieurs !
Certains nobles se prêtaient même leur bouffon en cas de maladie, afin de retrouver la joie de vivre !

A nous de mieux rire pour mieux vivre. Losque nous portons le nez rouge, soyons fiers des possibilités que nous apporte le plus petit masque du monde.
Le langage populaire englobe l’auguste dans le nom de clown. L’auguste que je suis est fier de lire dans le Littré ou le grand Larousse :
“AUGUSTE : qui est béni des augures, qui inspire le respect et la vénération, titre choisi par les empereurs romains.
Auguste, personnage grimé de couleurs vives, partenaire du clown blanc.
CLOWN : personnage maquillé en blanc, vêtu le plus souvent d’un costume pailleté qui en duo avec l’auguste donne de courtes saynètes“

Après une belle carrière avec mon clown Rocky, et amoureux de l’équipe clownesque traditionnelle, la disparition du clown et l’arrivée d’un auguste sans nez rouge sont une évolution incontournable.

Le rôle de la femme comique prend de l’ampleur, et l’homme aimera toujours rire des pitreries de son grotesque, son auguste, son bouffon, bref du clown de sa génération !
L’important est que celui-ci sache le faire rire.

KINOU - Avril 2006

 
 
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